Record historique du prix du blé
Agritel, société de conseil sur les marchés agricoles et agroalimentaires, a observé un record historique du prix du blé meunier sur le contrat à terme d’Euronext, la principale place boursière de la zone euro, lequel a frôlé les 300 €/t. Cette forte hausse, qui atteint un niveau de prix vieux de 14 ans, s’explique par une réalité fondamentale : l’offre de blé chez les grands exportateurs n’est pas suffisante pour répondre à la demande record des pays importateurs.
« Côté récolte, les déboires sont connus depuis l’été dernier. Pertes de production au Canada, aux Etats-Unis et en Russie à la suite de canicules. Pertes de qualité et de production en Europe suite aux intempéries de juillet », explique Sébastien Poncelet, directeur du développement au sein du cabinet Agritel. Or, contrairement à l’offre, la demande ne faiblit pas, elle se multiplie. Le manque de maïs sur l’été et l’automne a soutenu la consommation de blé. Jamais les achats de blé n’ont été aussi forts que ces quatre derniers mois sur le marché mondial alors que les disponibilités à la vente ne suivent pas. À chaque nouvelle vague d’achats, les prix montent inlassablement. L’arrivée de la nouvelle récolte de maïs se présente comme record aux Etats-Unis et en Ukraine, et très bonne en Europe. Elle soulagera quelque peu la demande dans la filière animale mais ce ne sera probablement pas suffisant, d’après les analyses d’Agritel.
« À travers cette hausse historique, le marché cherche à rationner la demande par le prix y compris la demande à destination de l’alimentation humaine. Il cherche également à stimuler une hausse de production pour l’année prochaine. Dans les deux cas, la tâche est délicate et l’objectif n’est pas encore atteint », déclare Sébastien Poncelet. Les menaces qui planent sur la prochaine récolte ne font que rajouter de l’huile sur le feu avec d’ores et déjà des levées de blé perturbées par le manque de précipitations en mer Noire ou aux Etats-Unis. Il ne faut pas oublier la flambée des prix des engrais azotés doublée de risques de pénuries qui pourraient compromettre l’obtention d’une bonne production en 2022 pourtant indispensable pour remettre les stocks à flot.
Hausse du prix du blé et répercussions sociales
« Du blé au pain il n’y a qu’un pas. C’est la nourriture de base d’une partie de l’humanité qui est menacée. L’instabilité alimentaire dans les pays les plus dépendants aux importations s’annonce d’autant plus importante que les huiles végétales flambent également sur des niveaux de prix record », ajoute Sébastien Poncelet. L’indice alimentaire de la FAO est de retour sur les plus hauts du printemps 2008 et 2011, à l’époque des émeutes de la faim et des bouleversements politiques dans certaines zones du monde.
Agritel estime que les filières agricoles françaises sont aussi malmenées. Pour les producteurs céréaliers, les aléas climatiques, l’explosion du coût des intrants et la volatilité extrême des cours des grains rendent l’activité à haut risque économique. Pour les éleveurs, c’est l’existence même de ce métier qui peut être remis en cause si le prix des viandes, des produits laitiers ou des œufs n’augmentent pas à proportion de la hausse des matières premières. « Les intentions françaises d’une juste rémunération des agriculteurs selon leur coût de production dans le cadre de la nouvelle Loi Egalim 2 sont certes louables mais atteindront rapidement leurs limites dans un marché commun européen et dans une compétition mondiale », estime Sébastien Poncelet.