La Bretagne développe le transport maritime à propulsion vélique
Bénéficiant de nombreux atouts pour contribuer à relever le défi de la dépollution du transport maritime, la région Bretagne lance une filière de transport maritime à propulsion par le vent (PPV). Pour y parvenir, celle-ci compte exploiter sa géographie propice au transport à la voile, la richesse de ses infrastructures portuaires, les technologies de la « Bretagne Sailing Valley », et sa filière de voile de compétition à la pointe de l’innovation.
L’existence d’une industrie bretonne adaptée
Pour évaluer l’intérêt du marché de la propulsion par le vent, identifier la chaîne de valeur et les conditions propices au développement d’une filière, la région Bretagne a commandé à l’agence régionale Bretagne Développement Innovation (BDI) une étude prospective auprès des entreprises bretonnes qui fait apparaître des résultats prometteurs :
- Sur 236 entreprises répondantes, 156 issues principalement des secteurs du naval, du nautisme ou de la voile de compétition, et localisées majoritairement dans le sud de la Bretagne, constituent cette filière émergente. Pour 55 % d’entre elles, ce nouveau marché est « prioritaire à important » pour leur développement.
- 80 entreprises sont positionnées sur la fabrication d’éléments ou de sous-ensembles de systèmes à propulsion par le vent et 61 sur l’architecture, l’ingénierie ou la modélisation de systèmes à propulsion par le vent : deux domaines de compétences qui apparaissent comme étant les points de force de la filière industrielle. On dénombre aussi déjà 19 entreprises positionnées en tant qu’armateurs et 9 affréteurs.
- 61 entreprises ont d’ailleurs une activité commerciale à des degrés de maturité variable : activité facturée (44), projets non-validés (38), démonstrateurs (37), réponses à des appels d’offres (20). Et la propulsion par le vent est devenue le marché principal de 20 % d’entre elles. Enfin, pour 70 % des entreprises, ce marché est vu comme « prioritaire à important » dans leur développement. Le poids économique actuel est évalué à 28 M€ de chiffres d’affaires et 155 emplois.
- La propulsion par le vent est le mode de propulsion principal des projets de 64 % des entreprises interrogées. L’hydrogène, l’électrique et le GNL sont les modes de propulsion complémentaires cités par respectivement : 38 %, 36 % et 25 % des entreprises. Les technologies de propulsion par le vent sont multiples : 70 % des entreprises travaillent sur des profils minces (voiles souples ou panneaux rigides), 49 % sur des profils épais (ailes souples, rigides, gonflables et multi-éléments), 34 % sur les kites, rotors, formes de carènes, profils aspirés et 16 à 20 % sur les turbines éoliennes.
- Les projets pour lesquels travaillent les entreprises bretonnes concernent principalement des cargos (37) et des navires à passagers (32) destinés à des trajets au long cours (39), hauturier (37) mais aussi de cabotage (30).
Tous ces éléments viennent confirmer l’existence d’une filière de transport maritime émergente constituée d’acteurs présents sur l’ensemble de la chaine de valeur, aux compétences variées pour développer des projets basés sur l’ensemble des technologies de propulsion par le vent.
Rendre le transport maritime moins polluant
« Le transport maritime assure plus de 90 % du transport de marchandises au niveau mondial », rappelle Loïg Chesnais-Girard, président de la région Bretagne. Or, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du transport maritime représentent actuellement plus d’un milliard de tonnes par an, soit l’équivalent des émissions totales de l’Allemagne. Selon l’Organisation maritime internationale (OMI), elles ne cessent d’augmenter et les émissions de CO2 à la tonne de marchandises transportée doivent être abaissées de 40 % d’ici 2030 et d’au moins 50 % en 2050, par rapport à 2008.
La réduction de la vitesse des navires et des teneurs en soufre des carburants marins de 3,5 % à 0,5 % ainsi que le développement de carburants alternatifs (GNL, hydrogène, biocarburants, etc.) n’y suffisent pas. Le secteur du transport maritime doit obligatoirement trouver de nouvelles solutions appelant des ruptures technologiques de ses modes de propulsion.
Il est fort probable que dans l’avenir la propulsion des navires soit assurée par un « mix » énergétique, la propulsion vélique étant utilisée soit comme mode de propulsion principale, soit comme appoint d’un autre mode de propulsion. L’Union Européenne estime que 15 % de la flotte commerciale sera en partie mue par le vent d’ici 2030, soit une réduction de plus de 40 millions de tonnes de CO2. Avec une flotte mondiale de près de 60 000 navires et de 2 000 en commande, l’enjeu au niveau mondial est de taille pour le secteur de la construction et traduit le potentiel de développement de la propulsion par le vent.
La propulsion par le vent peut être utilisée comme assistance sur la flotte existante (refit). Elle réduit alors de 5 à 20 % du carburant consommé et des émissions associées. Le potentiel est beaucoup plus élevé (jusqu’à 80 % de réduction d’émissions) en propulsion principale déployée sur des navires neufs conçus avec cette technologie en développement. Actuellement une dizaine de grands navires et de petits ferries naviguent déjà avec des technologies de propulsion par le vent.
Une feuille de route régionale
Si l’étude de BDI révèle un fort potentiel industriel breton sur ce marché prépondérant pour le développement d’entreprises, de facto, se pose la question du positionnement régional breton et de l’accompagnement à initier pour permettre aux entreprises, de bénéficier d’opportunités et d’accélérer leur développement. « Aujourd’hui la Région Bretagne veut élaborer une feuille de route régionale pour le développement de la propulsion par le vent qui viendra compléter celle adoptée en 2020 sur l’hydrogène », précise Loïg Chesnais-Girard. « Elle viendra aussi renforcer le chantier “Mobilité décarbonée” engagé par la région dans le cadre de la Breizh Cop et la stratégie régionale recherche et innovation (S3) DIS Économie Maritime pour une croissance bleue – Navire du futur ».